GIRLPOP Vol.52 (nov. 2001)

Magazine GIRLPOP de novembre 2001
(traduction partielle de la dernière partie de l’interview)
Traduction anglaise Tenshi



Q : Les dernières lignes de Dearest « Nous avons fait un détour, mais nous sommes enfin arrivés » font en quelque sorte référence aux mots « Bienvenue à la maison » que nous pouvons adresser à quelqu’un. Ces mots étaient-ils aussi dirigés vers vous d’une certaine manière ?

Ayu : Oui. Dans des chansons comme NEVER EVER et Endless Sorrow, j’ai fortement ressenti le sentiment « Ayumi Hamasaki est désolée » envers mon personnel et mes auditeurs. Comment le dire… il n’y avait jamais assez de temps et on me disait: « donnez-nous 30 secondes de musique pour faire le ménage par ici et ici ». Et au fur et à mesure, écrire des chansons* – ce que j’aimais faire au début – est devenu suffocant. Comme je l’ai dit quand j’ai commencé à composer en tant que CREA : je suis neutre au sujet de mes chansons. Si je pense que la chanson de quelqu’un d’autre est meilleure que la mienne, j’utiliserai la sienne. Mais il semble que les adultes autour de moi aient pensé : « Tu as créé une chanson, continue à en créer d’autres. »

*NdT : Elle signifie écrire des chansons en tant que CREA, dans ce contexte.

Q : Leur façon de penser était différente de la vôtre.

Ayu : Quand j’ai compris cela et que je me suis dit : « Je suppose que je dois continuer à composer alors… », j’ai vraiment commencé à détester ça. Je détestais écrire des chansons et je détestais écrire des paroles pour une chanson que je détestais faire, et je détestais enregistrer des voix pour une chanson qui avait été créée de la sorte. Bien que la création de chansons ait toujours été un processus difficile, j’étais toujours très heureuse du produit fini. Mais je n’avais plus ce sentiment.

Q : Comme si c’était juste une chose à faire ?

Ayu : Oui. Mais au cours de la publication d’un produit dans le monde, divers membres du personnel s’efforceront de le rendre encore meilleur, non ? Et une fois publié, beaucoup de gens l’achèteront avec leur argent durement gagné. J’avais l’impression d’être impoli envers ces gens.

Q : Est-ce en partie parce que vous deviez avoir un rythme incroyablement rapide ?

Ayu : Oui. Cette année a été mouvementé. Je suis aussi en partie responsable de cela… Lors de la sortie de mon best-of, j’ai dit quelque chose du genre : « Je suis un produit de consommation. C’est pourquoi j’arrête de ralentir le rythme. » Mais c’était… hmm, je ne pense pas que c’était mes vrais sentiments. Une partie de moi-même avait abandonné, avait cessé de prendre soin de moi, je suppose… Mais au moment de la sortie de Endless sorrow, je me suis dit : « Je traine l’industrie musicale japonaise vers le bas ». Tout va vite de nos jours, on parle toujours de la prochaine nouveauté, non ? Je suis peut-être la personne qui peut arrêter le plus cette tendance*, mais je l’encourage au final. Je détestais vraiment ça et je ne savais pas quoi faire… Cela me donnait envie de ne plus apparaître à la télévision.

*NdT : N’oubliez pas que qu’elle était au plus fort de sa popularité.

Q : Parce que la télévision est le média qui incite le plus cela, non ?

Ayu : Je ne savais pas quel message je devais faire passer. Alors je me suis cachée ou peut-être me suis-je même enfuie. À cette époque, il se passait diverses choses, pas seulement au travail, mais aussi dans ma vie privée… Je pense que c’était un facteur important. Par exemple, c’était difficile au travail, mais aussi quand j’étais à la maison. Je n’avais nulle part où exposer mes vraies pensées. J’ai réalisé que c’était mauvais et j’ai donc décidé de faire une petite pause après la tournée. Je suis allée préparer la tournée avec cet état d’esprit. Mais pas une seule idée ne venait. Je ne pouvais pas choisir la setlist ni les performances. Mais tout le monde me demandait : « Qu’en est-il de ci ? Qu’en est-il de ça ? » Il y avait beaucoup de réunions, mais j’étais la seule à ne pas apporter de suggestions. J’ai pensé : « Ah, j’abandonne » (rires).



Q : Vous étiez au fond, hein. Comment êtes-vous remonté ?

Ayu : Je regardais la télévision un jour. Je regardais, mais pas vraiment ? (rires) C’était une publicité. Je regardais distraitement et puis la télévision s’est soudainement éteinte. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’en souviens très bien. C’est comme si j’avais soudainement pris conscience d’elle. J’ai pensé « ce n’est pas bon. » C’est comme si quelque chose en moi avait été expulsé.

Q : La télévision s’est éteinte et vous avez continué ?

Ayu : Oui, oui. Comme j’avais toujours couru et couru, j’avais probablement peur de ralentir le pas. En marchant, vous prenez conscience des choses que vous ne voyez pas en courant, non ? C’était effrayant. Une partie de moi pensait : « C’est inutile de remarquer ces choses-là aussi tard. C’est gênant. » Mais lorsque cet interrupteur a été soudainement désactivé, je me suis dit « je n’ai plus peur de rien ».

Q : Une chose mystérieuse.

Ayu : Oui. Je me suis dit : « Ah, c’est bon ». Jusque-là, les choses dont j’avais besoin et dont je n’avais pas besoin, celles qui me protégeaient et celles qui ne le faisait pas – elles avaient augmenté de plus en plus. J’avais continué à transporter toutes ces choses parce que je sentais que tout irait mal si je les laissais aller, même si je voulais vraiment m’en débarrasser Cependant, je sentais que je pouvais les contrôler maintenant d’une manière ou d’une autre.

Q : C’est un tournant extraordinaire.

Ayu : Quand j’ai pu enfin tout organiser, je me sentais vraiment légère. J’ai pu avancer confortablement. […] Après, diverses idées ont recommencé à germer. […] Si vous deviez comparer cela à des livres, Ayumi Hamasaki publiait dernièrement des nouvelles qui étaient faciles à lire pour tout le monde. Ce qui fait dire : « Donne-moi le prochain, donne-moi le suivant ». Mais je veux publier un livre épais de qualité maintenant. Celui que vous pouvez prendre beaucoup de temps à lire et qui vous fait patienter plus longtemps jusqu’au prochain. Un livre avec des passages difficiles, mais que vous comprendrez en le relisant. Je veux sortir quelque chose comme ça.